Le Sénateur Pierre HERISSON s'est exprimé au nom de la commission des affaires économiques et de son groupe.
"Tout d'abord, je me réjouis de l'inscription de ce débat qui fait suite aux propositions du rapport d'information de la commission des affaires économiques sur la régulation du numérique. Nous pouvons ainsi traiter d'un sujet dont l'importance pour notre économie est considérable.
« Faire de la France
une grande nation numérique », c'est ainsi que concluait Nicolas Sarkozy, Président de la République
nouvellement élu, dans une tribune publiée par le Journal du Net. Même si le numérique n'a pas été un sujet majeur de la campagne électorale, les grands axes voulus par le Président de la République
sont aujourd'hui connus et c'est pourquoi ce débat est opportun.
Le développement du numérique représente en effet entre un demi point et un point de croissance supplémentaire. Réhabiliter le travail, comme le veut Nicolas Sarkozy, sera d'autant plus significatif dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. La qualité de la couverture numérique de nos territoires est devenue aussi importante que celle du réseau routier ou de la desserte postale.
Rapporteur, avec Bruno Sido, de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, et de la loi du 10 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, je me suis impliqué dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, les TIC, et je suis avec intérêt les deux grands dossiers que sont la couverture de tout le territoire en téléphonie mobile et en Internet haut débit. C'est pourquoi j'approuve les conclusions du rapport d'information de mon collègue Retailleau.
Dix ans après la création de l'ARCEP, le temps est venu de faire le bilan de cette autorité de régulation économique sectorielle et de dessiner ses perspectives d'évolution afin de renforcer les positions françaises dans ce secteur essentiel.
Il est en effet indispensable d'optimiser le potentiel économique du numérique. La question est d'actualité, à l'heure de la télévision mobile personnelle et de l'arrêt de la diffusion analogique des chaînes de télévision. La convergence du secteur des télécoms et de l'audiovisuel pose de nouveaux enjeux que le régulateur sectoriel ne pourra résoudre à lui seul. La fusion du CSA et de l'ARCEP est régulièrement évoquée mais notre rapporteur la récuse, ces deux autorités exerçant des métiers très différents. Il préconise plutôt la création d'un commissariat au numérique, pôle d'expertise et d'initiative, placé sous la tutelle du Premier ministre. Cette nouvelle structure permettrait de donner un pilotage politique aux services de l'État concernés par le numérique, mais éclatés entre ministères aux aspirations divergentes. Une coordination des forces permettrait de rattraper notre retard qui est d'autant plus regrettable que nous pourrions être en tête dans de nombreux secteurs de l'innovation : des ingénieurs de qualité, un tissu dense de PME innovantes, des positions de force dans certains secteurs comme la mobilité, la carte à puces, le logiciel libre, les logiciels embarqués, la simulation, le calcul à hautes performances. En outre, proportionnellement à notre PIB, nous investissons deux fois moins que les Américains dans les TIC. Si nous investissions autant que les leaders mondiaux, nous pourrions gagner un demi-point de croissance supplémentaire, et donc des milliers d'emplois.
Nous devons soutenir en priorité les PME puisque seules 50 % d'entre elles disposent d'un site web, contre 82 % en Allemagne et 77 % en Grande-Bretagne ou en Italie. Il est essentiel d'accroître la masse critique des entreprises innovantes, car sans innovation, pas de croissance. La politique du numérique et de l'innovation vont de pair et il faut davantage impliquer les collectivités territoriales, les entreprises, les centres de recherche, les universités, les régions et l'Europe.
La couverture numérique est un instrument essentiel d'aménagement du territoire car elle assure l'équité et la bonne répartition territoriale des infrastructures et des usages liés aux TIC. Les pouvoirs publics doivent donc saisir cette chance afin de soutenir la croissance et l'innovation.
A l'automne 2002, le Premier ministre M. Raffarin a pris la mesure de l'enjeu numérique et lancé le plan « Réseaux 2007 ». La vision claire qu'a de ce sujet majeur le Président de la République
permet d'aborder l'étape suivante, qui sera déterminante. En s'impliquant davantage, l'État devra faire en sorte que le passage au tout-numérique ne laisse aucun territoire de côté ; il lui faudra anticiper les évolutions et fixer des règles claires d'usage des fréquences et lui-même réformer ses organes de régulation. Des millions de Français sont encore privés de la téléphonie mobile et de la TNT
dans sa définition standard ; la fracture numérique n'a pas été réduite. La couverture du territoire doit être achevée.
Alors qu'une conférence mondiale des radiocommunications se tient en octobre à Genève, alors que le Gouvernement s'apprête -en tout cas nous l'espérons- à donner son mandat de négociation à l'Agence nationale des fréquences, la libération progressive des fréquences analogiques à partir de 2008 offre une opportunité stratégique pour l'aménagement numérique du territoire. Pour une grande partie des zones rurales, représentant 30 % de la population et 70 % du territoire, les technologies filaires, optiques, ou satellitaires ne permettent pas d'envisager une couverture haut débit au-delà de 512 kbit/s -ce qui est bien faible. De plus, les fréquences actuellement occupées par la téléphonie mobile de troisième génération sont si élevées qu'elles ne permettent pas d'envisager une couverture par les réseaux d'accès à Internet haut débit mobile.
Alors que les initiatives prises depuis cinq ans pour étendre l'ADSL et couvrir les zones blanches de la téléphonie mobile ont connu d'importants succès, une nouvelle fracture numérique risque d'apparaître entre les zones urbaines et les zones rurales. Pourtant, tous nos territoires ont besoin de débit et de mobilité ; ils ont soif de fréquences. La France
numérique doit être aussi bien urbaine que rurale. C'est pourquoi l'Association des maires de France, dont je suis un des vice-présidents, a souhaité, le 27 septembre dernier, que la France
s'engage activement dans les négociations européennes et internationales afin d'identifier une sous-bande de fréquences qui pourrait être affectée à la couverture du territoire par les réseaux fixes et mobiles d'accès à Internet haut-débit. A défaut, les discussions seraient durablement recentrées sur le seul usage audiovisuel, alors que la loi du 5 mars 2007 prévoit un choix ouvert ente les différents usages. Cette question est essentielle pour l'avenir économique de notre pays.