Mesdames, Messieurs,
Vous avez été nombreux à m’exprimer vos inquiétudes relatives au projet de loi de modernisation de l’économie.
Sensible à vos préoccupations, je tiens à vous informer des dispositions que le Sénat a adoptées.
Le projet de loi de modernisation de l’économie ambitionne de favoriser l’activité de l’entrepreneur individuel en allégeant plusieurs des contraintes pesant quotidiennement sur celui-ci, soit lorsqu’il débute son activité, soit lorsqu’il exerce en complément d’une autre activité. Il s’adresse, en particulier, aux artisans (chapitre premier du titre premier). Le Sénat a accepté les différentes mesures d’allègement et de simplification prévues par le texte adopté par les députés, tout en les enrichissant, avec le souci constant d’adopter des dispositifs afin que l’initiative individuelle ne soit pas bridée tout en s’assurant qu’ils ne remettront pas en cause les règles essentielles qui s’imposent au monde du commerce et de l’artisanat. Le Sénat a confirmé les dispositions visant à améliorer le régime fiscal et social des micro-entreprises en créant un prélèvement fiscal et social libératoire calculé en pourcentage du chiffre d’affaires. La combinaison du régime social des micro-entreprises et du nouveau système de versement libératoire de l'impôt sur le revenu débouche sur des taux fiscaux et sociaux globaux libératoires de 13 % pour les activités commerciales et de 23 % pour les activités artisanales et de services. Autre élément de simplification : l'impôt et les cotisations dépendront d'un seul paramètre, le chiffre d'affaires. En outre, le versement libératoire sera effectué pour solde de tout compte, sans régularisation ultérieure. Le texte adopté satisfait ainsi un triple objectif de lisibilité, de prévisibilité et de sécurité pour l’entrepreneur. Comme à l’heure actuelle, ce régime fiscal et social bénéficiera à tout artisan ou artisan en dessous d’un seuil de chiffre d’affaires relevé à 80.000 euros lorsque l’activité porte sur la revente de biens ou à 32.000 euros lorsqu’il s’agit d’une prestation de services. Le Sénat a également conservé les dispositions élargissant le champ du rescrit social bénéficiant aux employeurs du régime général de sécurité sociale et du régime agricole, et institue un rescrit social au bénéfice des ressortissants du régime social des indépendants. Il a également amélioré les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale visant à élargir le champ du rescrit fiscal. Ces mesures profiteront bien entendu à l’ensemble des artisans. En matière de contraintes administratives, le Sénat a examiné avec la plus grande attention le nouveau statut offert à l’auto-entrepreneur, à savoir la possibilité d’exercer une activité commerciale ou artisanale sans être immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Par une série d’amendements, il a souhaité que l’exercice de petites activités économiques par nos concitoyens soit simplifiée, tout en assurant la protection des consommateurs et des professionnels qui exercent déjà de telles activités, à commencer par les artisans. Les débats au Sénat ont permis de faire apparaître, sans ambiguïté, que l’auto-entrepreneur dispensé d'immatriculation sera soumis, comme les commerçants ou artisans immatriculés : - aux règles protectrices des consommateurs définies par le code de la consommation En effet, les obligations prévues par ces dispositions relatives à l'information des consommateurs, à la formation des contrats et à la conformité et la sécurité des produits et services seront applicables dans la mesure où l'immatriculation à un registre à caractère professionnel ne constitue pas une condition d'application de ces règles. Pour autant, afin de montrer que l’auto-entrepreneur exerçant une activité artisanale n’est pas un véritable artisan, puisqu’il n’est pas immatriculé au répertoire des métiers et n’a pas suivi de stage de préparation organisé par les chambres de métiers, le Sénat a souhaité que le décret d’application de la loi prévoie des conditions particulières d’information des tiers sur le fait que l’auto-entrepreneur n’a pas la qualité d’artisan. - à l'exigence éventuelle d'une assurance couvrant la mise en jeu de leur responsabilité civile professionnelle obligatoire. Les obligations d'assurance de responsabilité civile exigées pour l'exercice de certaines professions (par exemple, dans le domaine de la construction) concernent les personnes dont la responsabilité est susceptible d'être engagée du fait de leur activité professionnelle ; elles ne découlent pas de l'existence éventuelle d'une immatriculation à un registre; - aux obligations de qualification requises pour l'exercice de certains métiers de l'artisanat. Si l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement du commerce et de l’artisanat soumet l'exercice de certaines activités à l'exigence d'une qualification particulière, cette exigence s'impose« quels que soient le statut juridique et les caractéristiques de l'entreprise ». L'existence ou l'absence d'immatriculation est donc indifférente : l'auto-entrepreneur, s'il souhaite exercer une activité artisanale soumise à qualification, devra faire la preuve de celle-ci lors de sa déclaration au centre de formalité des entreprises. Du reste, s'il exerçait une telle activité sans avoir la qualification requise, il serait passible de l'amende de 7.500 euros, prévue par la loi du 5 juillet 1996 ; - aux obligations de non-concurrence qui s’appliquent dans l’exercice de toute activité économique. En favorisant l’exercice de petites activités à caractère artisanal, le projet de loi, tel qu’il a été adopté par le Sénat, vise à supprimer ou en tous les cas à endiguer l’une des principales causes d’une concurrence déloyale à l’égard des artisans : le travail non déclaré, qui ne donne lieu à aucun prélèvement social ou fiscal. Pour autant, le Sénat a été particulièrement sensible au fait que favoriser l’auto-entrepreneurariat ne doit pas conduire à « légaliser » une concurrence déloyale avec l’employeur de l’auto-entrepreneur. La jurisprudence a de longue date dégagé une obligation de fidélité du salarié envers son employeur qui conduit à assimiler à une faute justifiant un licenciement le fait pour un salarié d’exercer chez le client de son employeur la même activité que celle pour laquelle il est payé en qualité de salarié. C’est la raison pour laquelle le Sénat a souhaité inscrire très clairement dans la loi que l’auto-entrepreneur dont l'activité principale est salariée ne peut exercer à titre complémentaire auprès des clients de son employeur, sans l'accord de celui-ci, l'activité professionnelle prévue par son contrat de travail. Fort de ces garanties, le Sénat a souhaité donner une pleine cohérence à cette dispense d’immatriculation en l’ouvrant aux activités tant complémentaires que principales en matière commerciale ou artisanale, sachant que ce régime est par principe transitoire : lié au montant du chiffre d’affaires, il implique que si l’activité de l’auto-entrepreneur devient florissante, il devra se soumettre à l’obligation d’immatriculation, notamment au répertoire des métiers. Il a par ailleurs, par souci de lisibilité du dispositif, lié la dispense d’immatriculation à l’option pour le régime de la micro-entreprise. Du reste, le Sénat a souhaité que cette dispense d’immatriculation ne s’applique qu’aux personnes qui, au jour de la publication de la loi, ne seront pas déjà immatriculées au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Enfin, l’immatriculation au répertoire des métiers, comme du reste au registre du commerce et des sociétés, reste un statut attractif : la personne qui exerce une activité artisanale sans être immatriculée ne pourra ainsi pas, pour exercer son activité d’auto-entrepreneur, bénéficier du régime très favorable des baux commerciaux. C’est pourquoi le Sénat a tenu à maintenir le fait que la dispense d’immatriculation ne doit être qu’une faculté en dessous d’un certain seuil de chiffre d’affaires : il sera toujours possible, en dessous de ce seuil, de s’immatriculer pour tirer notamment profit de la propriété commerciale. Animé encore par un souci de simplification, le Sénat a également allégé les modalités de tenue de comptabilité applicables aux commerçants et artisans soumis au régime fiscal de la micro-entreprise. Ainsi, les travaux du Sénat ont permis d’assurer un équilibre satisfaisant entre la nécessité d’une simplification du paysage juridique actuel, parfois trop contraignant pour l’activité économique et notamment celle des artisans, et les garanties d’exercice légitimes qui doivent encadrer toute démarche simplificatrice. Telles sont les informations que je souhaitais porter à votre connaissance. Restant à votre disposition. Votre Sénateur, Pierre HERISSON